Dégage Makhzen!

«Mais qu’est ce que vous voulez au juste? Renverser l’Etat? Vous voulez l’anarchie et
le sang?». C’était ainsi que beaucoup d’amis me répondaient lorsque je leur disais que
j’allais participer, il y a un an, à la manifestation du 20 février 2011. L’anniversaire
de cette manifestation tombe aujourd’hui et je m’en rappelle comme si c’était hier. A
l’époque, la rue arabe était à feu et à sang. Les Tunisiens et les Egyptiens avaient chassé
leurs dictateurs au terme d’un grand massacre. La Lybie et le Bahrein étaient en feu. A
chaque fois qu’un dictateur tombait, on se demandait: A qui le tour maintenant ?

Le monde arabe était comme un château de carte qui s’écroulait. Le 20 février, sur
Facebook, jamais les Marocains n’avaient été aussi partagés. Les royalistes insultaient
ceux qui voulaient manifester en les traitant de «traîtres» et «d’anarchistes». Ils
croyaient, à tort, que le Maroc allait connaître le même sort que la Tunisie et l’Egypte et
qu’on baignerait dans une marre de sang. Je savais qu’ils se trompaient lourdement car
ce que voulaient les Marocains, ce n’était pas de faire tomber le Roi, mais le Makhzen. Le
Makhzen est le pouvoir absolu, féodal, qui renie la démocratie et empêche l’instauration
d’une vraie justice sociale. Les manifestants demandaient qu’on leur construise des
hôpitaux où se soigner, qu’on leur donne un enseignement de qualité, qu’on les aide
à trouver un emploi et surtout qu’on arrête la corruption qui a ravagé le Maroc ces
dernières années, y compris dans les hautes sphères de l’Etat.

En somme, ils voulaient vivre comme des citoyens dignes. Etait-ce trop demandé? Je suis
sortie dans cette manifestation en tant que journaliste, mais aussi en tant que citoyenne
car je ne vous cache pas qu’avant même le printemps arabe, je savais que la rue
marocaine allait éclater. Je voyais que les pauvres devenaient plus pauvres, les riches
plus riches et la liberté d’expression avait gravement reculé. Parler d’un membre de
l’entourage royal était devenu tabou dans la presse avant février 2011. Mon magazine,
comme beaucoup d’autres journaux, avait été condamné à une amende surréaliste de 6
millions de dirhams à cause d’une brève que nous avons publié sur une entreprise liée
au Roi. Et nous traînons encore ce jugement injuste!

Ce 20 février 2011, les gens avaient tellement peur que ça allait tourner à la fusillade
que je n’avais pas dit à ma famille que j’allais manifester pour éviter qu’ils ne
s’inquiètent pour moi. Seul mon mari était au courant et m’avais accompagné. La
manifestation de Casablanca s’est finalement déroulée dans une ambiance responsable.
Il y avait un peu de pluie et, malgré tout, des adultes, des petits et même des bébés
avaient défilé ce jour-là demandant un Maroc meilleur.

J’avais la chaire de poule de voir une telle organisation. Jamais la voix du peuple n’a
autant porté…

/Nadia Lamlili

 

8 thoughts on “Dégage Makhzen!

  1. Bonjour Nadia, je me présente j’habite au denmark depuis 25 ans, je suis une ancienne bacheliere de Charles Foucauld á Casablanca, j’ai quitté le Maroc aprés 1980 pour faire mes études en France, le bac en poche on rëve d’ étre une femme d’affaires alors j’ai étudé langues et affaires, á la fin du chemin je suis retrouvée dans le Ministére des Affaires Etrangéres où j’ai travaillé pendant 17 ans, j.avais 27 ans quand j’ai commencé, je trouve que c’est une expérience formidale. J’ai lu ton blog et je trouve que vous avez un profil intéressant. Le Maroc que j’ai connu dans les années 1980 a beaucoup changé, notre société a beaucoup évolué et n’a rien á envié aux autres socétés, on trouve les femmes dans tous les domaines. L’éducation nous a permis d’évoluer et d’accéder à toutes les échelles de la société. On oublie souvent que le mérite revient á nos mères et grand-méres qui n’ont pas eu cette occasion nous ont soutenues jusqu’au bout du chemin pour obtenir ce que nous avons acquis maintenant. Ces femmes n’ont jamais fréquentés les grandes universités mais leur rëve est de donner une éducation parfaite á leurs filles. J’ai rencontré des femmes sans aucune éducation et pour tant on réussi á former des filles qui ont des postes sur l’échelle nationale ou internationale. J’ai rencontré une fois une marocaine chef du département electricié dans la Nasa, et sa maman n’a jamais fréquenté aucune université, Elle m’a dit c’est gräce á ma mere que je suis arrivée lá ou je suis. Je suis impressionée par ces femmes qui sont dans les coulisses, sans leur foie en nous, assurant la stabilité dans le foyer, l’amour pour leur fille de réussir. Je rends hommage á toutes les femmes qui nous ont aidé á arriver lá oú nous sommes. Je veux te parler du Danemark, notre problème est un probléme d’intégration, nos diplomes étrangers n’ont pas la même valeur que les dipl^mes danois alors il faut parler au bas de l’échelle pour obtenir un bon poste, et des fois la langue peut ëtre un handicap pour évoluer, alors il faut travailler pour arriver. En ce me concerne , j’ai commencé au bas de l’échelle pour arriver à obtenir un bon poste, en ce qui me concerne il m’a fallu 7 ans pour avoir ce poste que j’ai actuellement (je suis assiste de santé) et je prépare un bachelor en santé., il faut toujours étre up to date, j’aime beaucoup le Danmark, les portes sont ouvertes il faut seulement mettre du sien, J’ai choisi la santé, nous sommes tous concernés par le bien étre et la santé, comment rester en bonne santé toute sa vie, Les danoises sont des femmes travailleuses, motivées pour obtenir des résultats meilleurs, je suis impressionées par la mentatlité du nord elle est différente que la mentalité du Sud. Le Chef est le premier á étre sur les lieux du travail, soutenant son équipe pour obtenir le meilleur, au cas contraite la communication est le meilleur moyen pour trouver une solution, le systéme de formation continue au sein du travail est un moyen de permettre aux emplois d’ëtre expert dans leur domaine.
    En ce qui concerne ma vie privée, j’ai une fille de 17 ans, elle prépare son bac en média et communication. Nous leur apprenons á vivre leur double culture avec aisance, étre l’aise dans la culture marocaine, étre l’aise dans la culture danoise. Je lui apprends la base de la religiion islamique, la lecture du Coran. Je lui apprends aussi d’apres les hadiths du proféte il n’y a aucune différence entre les hommes humains nous sommes tous égaux devant Dieu. Je lui apprends aussi les histoires de tous les prophetes depuis Abraham, paix sur lui jusqu’au dernier proféte Mohammed swa. Je pense qu’il est tres important de donner une éducation religieuse á ses enfants et c’est á eux de choisir. J’ai eu cette chance par mes parents et je continue sur cette ligne. Elle parle plusieurs langues, elle me dit : maman je suis danoise d’origine marocaine
    Elle a le choix de choisir ce qu’elle souhaite réaliser dans la vie et si elle souhaite mon conseil je suis lá pour la soutenir.
    En ce qui concerne la politique, je suis pour la justice et c’est pour ceux là que je vôte.
    Amicalement souad du Danemark
    NB excuse pour les accents je travaille sur un clavier danois, et la langue danois n’utillise pas les accents.

  2. Bonjour Souad,

    Quel plaisir de te lire et d’apprendre sur le succès d’une jeune femme marocaine dans ce pays si lointain. Tu sais, du Danemark, les Marocains ne connaissent pas grande chose à part qu’il y fait très froid et que ses habitants sont très à cheval sur le respect des lois et des procédures. On a besoin de connaître votre regard, vous qui êtes là-bas depuis si longtemps si le clash culturel n’a pas été dur pour vous. Je vois que vous avez continué à vivre et à élever votre fille selon vos convictions et la culture du Maroc et je salue cela en vous. Vivre votre identité tout en vous intégrant dans la société danoise doit être un big challenge et je vois que vous avez beaucoup de courage d elle mener ainsi dans la tolérance. D’autant que tu sais très bien que les exemples d’intégration ne se passent pas tout le temps dans de bonnes conditions. Du Maroc, nous avons l’exemple de nos MRE en France où la jeunesse se trouve tiraillée et perdue entre son identité marocaine et française…Un tiraillement qui aurait pu être évité si les parents et les autorités du pays d’accueil étaient dans un dialogue continu avec les jeunes.
    Je ne t’apprends rien que le Maroc vit un changement sociétal de grande dimension ces 10 dernières années. Les femmes sont devenues plus présentes et leurs choix avancent même si les résistances sont encore fortes. Je suis fière d’appartenir à cette classe de femmes qui se bat chaque jour pour ses droits et je ne te cache pas que les hommes évoluent aussi avec nous même si leur avancement prend du temps, vu le poids de l’éducation.
    Je suis fière aussi du fait que la femme marocaine est arrivé à des stades plus avancées que beaucoup de pays arabes et je le constate dans tous mes déplacements dans ces pays là que ce soit dans le sprays du Golfe, du Mashreq, en Egypte…
    Tu disais que nos mères et nos grands mères ont été pour beaucoup dans notre changement. Et bah, tu as raison!!!!! Ma mère était analphabète, femme au foyer, mais elle avait une force de caractère et une aisance dans ses relations avec les autres qu’elle a fait grandir en moi le sens du défi et de la persévérance. Le livre que je prépare actuellement avec Fatema Mernisssi en compagnie d’autres femmes journalistes traite justement de cette question. Comment nous femmes journalistes sommes arrivés à nos postes de responsabilité grâce à nos mères qui tissaient, brodaient, tricotaient nous permettant ainsi de devenir “des tisseuses de savoir”.

    Merci Souad et je te souhaite beaucoup de bonheur dans ta vie.

  3. Dear Nadia, I am so happy to read your blog, and I wish you great succes with your new magazine!
    I also understand that the Reseau des Femmes Journalistes is going forward in great style.
    Lots of greetings from Denmark to you and the others women journalists –
    /Dorrit

  4. Dear Nadia
    It’s very interesting to read your descriptions of daily life in Morocco and of the special Moroccon society structure with the king and Le Makhzen and the restricted guidelines on when and when not to mention the king in the press.
    It makes me wonder: One year after the first 20th February-demonstration, does any kind of criticism of Le Makhzen and the kings power find it’s way to the paper’s daily columns? I mean, I know you’ve had reforms of the amount of power, the king has as a result of the Arab Spring and the people’s demand, but is the feudal power of Le Makhzen a publically discussed subject as we speak? At universities? On the social medias like facebook? If your paper is fined by mentioning a companys relation to the King, then what are the limits of speech? Which brings me to another question: people, among them many women, seem to be rather fond of the king and his family. Which traditional uplifting values does he represent? Is he perhaps also in some ways a good and a fair king in people’s eyes? What is i.e. his answer to the Arab Spring? To the financial crises and the challenges ahead? Does he publicly discuss these issues and does he in some ways succeed in offering a political/religious guidance that works well with modernity? For exampel for young women?
    Oh, som many questions You don’t have to answer them all.
    And yet, one more. This schizophrenia, you mention, could you give an example of a typical conflict that exemplifies it…It almost sound as if what you’re saying is that the Moroccan (wo)man of today partly lives in a false conscience (if you know that term?). A false conscience that only a new (critical) language can help you escape from. Is that language lacking? Am curious to hear more…
    Warm greetings from Copenhagen that is indeed getting warmer (and where the queen only formally signs political statements she’s not allowed to disagree with; very special construction between monarchy and democraty as well).
    Katja (I’m the translator).
    ps. I also work for a sociological/financial magazine called Turbulens.net. We publish diagnosis on society made by sociogist, economists and artists, i.e. Muhammad Yunus, Francis Fukuyama, Ulrick Beck, Yann-Arthus Bertrand (on cognitive capitalism) plus many Danes. We might be able to share some articles in the future, once you’re new magazine is established…wish you good luck with that, sounds like a fabulous project!)

    /Katja

  5. Hi Katja,

    Yes, as you say, a lot of questions. It will take a book to answer it. let me to say you that Makhzen isn’t a social debate in Morrocco. Not yet. Only progressist politician and progressist NGO discuss about it openly, on social medias also. But, they are threatened if their criticism are deemed defamatory. Mentionning king in the press is a very complicated debate. some newspaper and magazines criticize the King, but the main problem is that the red lines in the press law are very large (not to talk about monarchy, religion and public morals). So, finally, a lot of journalist where persecuted and put to the jail because of this ambiguity.
    With arab spring and 20 feb manifestations, King decide to reform the constitution. he gives some new powers to prime minister and a new citizenship rights, but he is always the great maker. He have an absolute power.
    King discuss about national and international issues on his official speechs in commemoration of national celebrations (independence day…). He never do an interview with a morrocan newspaper, but with he did it with french and english ones.
    And for example of schizophrenia: men who is religious, muslim, do his prayer and drink alcohol!!! or women wich talk you about modernity, women rights and book for a rich man and muslim one!!!!

    /Nadia

  6. Salam 3alaykom.chere Nadia

    je suis mariée à un Danois depuis 1987, nous avons trois enfants ( de 18-21-23 ans) , deux garçons ,une fille.
    A leur adolescence nous avons eu beaucoup de problémes relationnels car le système danois et surtout les mentalités sont assez éloignés .J’ai eu beaucoup de mal a accepter et a comprendre le système Danois .
    Celui-ci n’a rien à voir avec ma jeunesse et mon éducation Marocaine .
    Ici les jeunes sortent tôt ,Les garçons aménent des filles de leur âge à la maison et ne se gênent pas pour l’embrasser devant toi :sa mère.
    Ils sont aussi tentés par la consommation d’alcool trés jeunes (15 ans et même avant parfois).
    J’avais de longues discussions avec eux j’étais triste ,j’en suis tombé malade ,en grave dépression .
    Maintenant ils sont grands ,plus “mûrs”et ca va mieux…..alhamdo lilah ……..
    Je sais que tes enfants sont jeunes maintenant,mais peux-tu me dire comment ca se passe avec les adolescens au Maroc.
    Quelles sont leurs relations avec les Parents,les amis ,les sorties, la consommation d’alcool, …ou autre !!

    Amicalement ,et merci de ta réponse.
    Bon courage à toute ta famille à laquelle j’adresse un sincère bonjour .

    Fatiha Vinding Kruse.Boukhaldi(dan-mar)

    • Bonjour Fatiha,

      Les adolescents au Maroc sont différents en fonction de la classe sociale. Chez la classe moyenne et aisée, les parents voient leurs garçons faire venir des filles chez eux et vice versa. Certes, ils ne s’embrassent pas devant les parents, mais ils se permettent des choses maintenant qui ne le faisaient pas avant. Les adolescents boivent aussi beaucoup, mais c’est surtout la drogue qui fait des ravages dans les lycées et les collèges, filles et garçons. ce qui est terrible.
      Chez les gens pauvres, tout se fait en cachette. le garçon ramène sa copine lorsque ses parents ne sont pas là. les filles ne le font pas par contre, vu le regard de la société envers elles. mais elles ont des aventures à l’extérieur, parfois plus osées que si elles faisaient venir leurs copains à la maison. La prostitution des mineures est en augmentation terrible dans les villes.
      Je comprends ton désarroi parce que tu vois cela en face et ils ne s’en cachent pas. Mais saches juste qu’au Maroc, ça se fait aussi d’une manière ou d’une autre.
      Je te souhaite bon courage,

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